jeudi 27 novembre 2014

Le sacro-saint droit à l'opinion

Bon, ceci est un premier billet issu d'un tweet et rédigé dans les transports. Par conséquent, il risque d'être encore plus décousu que d'habitude.

Je suis quelqu'un de tolérant.

Ou du moins j'essaye. J'ai des réflexes acquis (ou innés) que je ne nierai pas. J'ai aussi naturellement plus d'affinités pour certains caractères et les gens proches de mes opinions et/ou de mes intérêts. Celui au fond de la salle qui a balancé "donc t'aimes personne ?" sort. Ou pas, vu que j'aurais trouvé la répartie plutôt amusante. Cependant, pour autant que la personne en face de moi respecte quelques règles qui me semblent essentielles et non discutables, je peux accepter pas mal de choses.

Comme ce n'est pas quelque chose que j'ai déjà cherché à formaliser, la liste ci-après n'a pas revendication d'exhaustivité ni d'absolue justesse mais je compte par exemple non négociable :
- l'acceptation de principe de l'universalité et de la réciprocité de la valeur humaine et des interdits qui y sont liés (pas de sous genre parmi le genre humain, que ce soit ethnie, sexe, ou autre. Comprendre que ce que l'on fait, on peut nous le faire et l'accepter)
- la volonté générale de ne pas nuire (assez logique si on applique le précédent principe) sauf nécessité
- l'acceptation des différences d'opinion pour peu qu'elles valident les présents critères, et donc ne pas chercher à imposer son mode de pensée
- la non association des personnes aux opinions, car celles-ci peuvent changer et sont éminemment contextuelles. Une personne n'a pas nécessairement eu la possibilité, ou en tout cas a pu rencontrer des conditions contraires à l'établissement de ce que je considère comme une opinion "tolérable"
- la volonté de bonne foi et de respect de la logique. J'adore l'absurde et les jeux sur le langage, mais pas dans ce contexte
- l'acceptation que soi-même comme les autres peuvent faire des erreurs. En revenir. En commettre d'autres.

Et enfin, d'autres règles que je reconnais plus personnelle :
- tenter d'éviter la violence
- ne pas être (trop|agressivement) prosélyte (en dehors des règles suscités et de principes généraux). Et donc accepter des personnes ayant des opinions et mœurs très différentes.

Cela fait je le reconnais déjà beaucoup et pourtant j'aurais du mal à en supprimer une. Au final, je ne sais pas si je peux encore me dire très tolérant, mais cela me semblait nécessaire pour établir les bases de mon point de vue. Et notamment ma conviction qu'il faut accepter les opinions divergentes en tout sujet [modulo quelques principes].

Pourquoi alors titré-je "le sacrosaint droit à l'opinion", titre ouvertement critique quand on connait mon profond athéisme (qui pourrait valoir un billet si on me le demande gentiment). Alors que moi-même défendrais je l'espère ce droit si je le considérais menacé ?

Parce que

Tout ne peut pas s'appeler opinion

Il est possible d'avoir des opinions sur de nombreuses choses. Sur tout ce qui est subjectif mais également sur de nombreuses choses humaines où il n'y a pas de réponse simple, également sur ce que l'on ne peut pas en l'état ou dans l'absolu prouver. Le terme plus juste ici serait conviction, et non opinion, mais je me permets ici cet amalgame.

Cependant trop souvent le terme "liberté d' opinion" est, tout du moins en France mais pas uniquement, l'outil pour ne pas dire le masque qui sert à avancer ou défendre des préjugés voire des idées néfastes ou des contre-vérités pourtant établies scientifiquement en tant que telles (on ne se refait pas, j'ai un bac S et une formation prépa scientifique-école d'ingénieur).

Que diriez-vous si quelqu'un vous annonçait soudainement que 1+1=3 ? Je parle bien sûr en entiers naturels et selon la signification communément admise de ces symboles (car mon esprit retors voit déjà comment on pourrait valider cette formule).

Ou si quelqu'un vous affirmait soudainement que le rouge c'est la même chose que le bleu ? Alors qu'ils ont des longueurs d'ondes connues et qu'un œil sain les perçoit différemment. La perception d'un oeil malade signifie uniquement que la personne ne les différencie pas, pas qu'ils sont devenus égaux intrinsèquement.

Dans de telles conditions,  je ne peux pas "respecter" le propos.

Attention, j'ai bien dit le propos. Tant qu'il n'y a pas prosélytisme, violence ou abus sur un tiers, je respecte encore l'être humain. Et ce respect est essentiel, notamment si l'autre est de bonne foi. On peut tenter ou non de le détromper, mais rire ou être agressif n'apportera rien et ne grandira pas.
Pour autant, qu'on ne me parle pas de liberté d'opinion quand le vrai mot est liberté d'ignorance, de préjugé, de déni. Et si je ne le dirai pas (immédiatement) sous cette forme, au final, oui, je penserai "cette personne dit quand même bien de la m#rde" (pardon pour le manque de poésie). Et je n'aurai probablement pas envie de la fréquenter [si de telles opinions semblent durables].

Si l'étude des étoiles nous prouve l'expansion de univers et que certaines traces d'énergies semblent l'accréditer fortement, rejeter la théorie du Big Bang sans arguments solides autres que "je crois" ne l'est pas non plus.

Et quand la désintégration atomique prouve l'âge des dinosaures et que l'étude des drosophiles démontre le fonctionnement des mutations génétiques, que cette même génétique permet de retracer une partie de l'évolution, il m'apparaît difficile de respecter toute position créationniste - thème qui fut, je ne le cache pas, à l'origine de ce billet. Les intéressés des deux bords se reconnaitront - enfin, s'ils me lisent.

Et de façon encore plus évidente, le racisme (basé sur du vent), le sexisme (dans un sens comme dans l'autre, hors point précis où une différence homme/femme est scientifiquement établie) ou toute forme d'intégrisme ne peuvent pas se revendiquer du "droit à l'opinion".

Je pourrai même aller plus loin et sur terrain glissant en ajoutant que toutes les cultures ne se valent moralement pas, selon les règles énoncées au début, tout en rappelant que celles-ci sont des structures vivantes, vouées à évoluer (et mourir) et que par conséquent la comparaison, qui n'est déjà pas unidimensionnelle ni binaire, n'est de plus valable qu'à un instant. Et encore une fois, selon mes critères. Mais à ce glissement dangereux, j'ajouterai encore une fois que cela reste à distinguer de la valeur de l'individu - et ne présuppose aucun droit supplémentaire à l'élément que je considérerais supérieur, quand bien même j'aboutirais à une relation d'ordre.

Tout ce long message pour aboutir à une conclusion simple :
Le droit à l'opinion, c'est un peu comme la liberté d'expression.
Quand on l'invoque, la plupart du temps, c'est qu'on aurait mieux fait de fermer sa g...le.

(Woah, ce que je peux tartiner pour pas grand chose. Post sponsorisé par la RATP)

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