mercredi 4 avril 2018

Journal intime d'un sans-vie 2007-2018 | adieu Nolife


Le précédent message, bien qu'exprimant ma vision de ce qu'aura été l'aventure Nolife, restait principalement factuel.
Celui-ci est plus personnel - moins construit aussi - et vise modestement à raconter quelques étapes et éléments de ma relation avec ce qui, de mon point de vue assumé de fanboy (même s'il essaye de rester critique), restera probablement longtemps la meilleure chaîne du PAM, le paysage audiovisuel mondial. Oui, rien que ça, soyons modérés. 

 Découverte

 

Très cher journal,


Nous sommes début 2007, je m'ennuie un peu, seul loin de mes proches et de ma petite amie, exilé dans le lointain sud (Sophia Antipolis). Et je viens de lire une actualité sur univers-freebox annonçant une chaîne destinée "aux geeks, aux otaku", avec un nom cliché à faire peur. Ça sent le pitch commercial pour toucher une niche qui débouchera sur du contenu cliché, bas de gamme ou recyclé.
[[Erratum : en recomptant les années, j'ai lu ce communiqué avant mon exil dans le sud. Même si c'est bien là-bas que je finirai par regarder.]]

Je ne plaisante pas. C'est très précisément ce que j'ai pensé en lisant un communiqué, à une époque où "mes" sites fermaient ou se renouvelaient dans une direction qui ne me plaisait pas, où la presse papier JV ne me correspondait plus, et où je n'avais plus grand monde avec qui échanger au jour le jour sur ces sujets. Du coup, je n'ai pas véritablement attendu le lancement, j'ai même oublié un temps qu'il avait eu lieu.

En École d'Ingé, on est grand, alors passer son weekend à recompiler son noyau Linux pour ajouter une option ça passe encore, mais dire qu'on a une passion pour la pop-culture japonaise et les jeux Nintendo - ou apparaître comme un encyclopégeek des personnages Marvel - ça ne le fait pas.


Même les imbéciles changent parfois d'avis

 

 Ce contact initial avec Nolife m'avait donc refroidi avant même qu'elle n'émette. Puis un jour, par ennui et cédant aux recommandations insistantes pour ne pas dire au lobbying de mon frère (oui, considère ça comme un merci si tu lis ce passage), j'ai commencé à regarder.

C'était un ovni. Ça n'était pas très beau visuellement. Ça bouclait beaucoup. Mais tout ou presque me parlait : des références geeks et otaku assumées, des avis pointus, la substance avant la forme... Pour quelqu'un qui comme moi a du mal à se sociabiliser et n'avait que peu de personnes avec qui échanger sur ces passions éveillées ou latentes relativement inavouables (encore plus à l'époque qu'aujourd'hui), c'était un immense bol d'air.
C'était fin 2007 ou début 2008 et de spectateur occasionnel je suis rapidement devenu régulier pour ne pas dire accro, et même un temps "pilier de forum" comme certains sont piliers de bar. Et si d'abord c'était avant tout ma principale distraction dans une situation d'isolement relatif, la suite - malgré un retour dans la famille, puis le boulot, puis une installation en couple - n'aura pas cassé cette relation.

Si ma régularité a pu baisser récemment, que la dernière formule initiée à la rentrée 2017 ne m'a pas totalement convaincu, je restais et reste très attaché à ce point de vue et ce traitement que j'ai du mal à retrouver ailleurs, hormis (avec leur propre saveur) dans les productions d'anciens partis sur d'autres médias.

 [Cliché, musique de drama, petite larme] Nolife a changé ma vie

 

J'ai pu développer dans le précédent billet les raisons qui font que je trouve la chaîne profondément attachante et intéressante. Mais au risque de rentrer pleinement dans les clichés, Nolife aura également eu une influence presque tangible sur certains aspects de mon parcours depuis lors.

 Love Live

Un des poncifs sur la fin de cette aventure est que Nolife n'a pas su toucher un nouveau public quand les anciens s'installaient, se lassaient, devenaient parents et n'avaient plus le temps.

Je ne me suis pas lassé, et je ne suis toujours pas parent. Mais je me suis peut-être installé en partie grâce à Nolife.

D'autres ont rencontré l'amour (passager ou durable) sur le forum. Moi, j'étais déjà en couple depuis 2 ans. Une relation (majoritairement à distance à l'époque) se passant bien mais avec quelqu'un qui ne connaissait (presque) rien aux jeux vidéo console comme PC, n'avait jamais ouvert un manga avant que je ne lui mette Monster entre les mains, sans intérêt particulier pour le Japon, encore moins pour la J-musique ou regarder en tant qu'adulte des anime (prononcé "animé", et sans s car repris du japonais bien que ce soit déjà un emprunt de leur part). Je n'évoquerai même pas les Idols - pour lesquelles il m'aura également fallu du temps afin de mieux comprendre et savoir apprécier le travail.

Aujourd'hui, c'est elle qui passe le plus de temps dans les rayons des Book Off lorsque nous avons la chance d'être au Japon et qui reconnaît le plus de membres du Hello!Project. Qui essore les Fire Emblem quand je ne prends plus le temps de le faire et a son propre Gunpla (maquette en plastique tirée des séries de science-fiction Gundam et pour lesquelles mon affection est de notoriété publique sur le forum voire au delà). Ok, sur ce point, je la bats encore à plate couture, ayant saturé nos étagères.

Si ça n'est pas facilement démontrable, je suis convaincu que la qualité des programmes de Nolife sur ces thématiques a très fortement facilité la compréhension puis le partage de ces passions qui m'animent pour quelqu'un chez qui tout cela n'était qu'au mieux latent. Nous y serions probablement parvenu sans. Mais le coup de main fût-il involontaire est appréciable.

 

Exhausteur de passion otak'

En découvrant Nolife, j'étais déjà bien contaminé par la culture geek et otaku.
Pourtant, avec l'âge, la fin du lycée, j'avais pris un peu de distance hormis avec le domaine des jeux vidéo (que je n'ai jamais lâché). Le reste était plus occasionnel - merci Canal pour sa diffusion de FMA pendant ma première année de prépa - souvent sur la recommandation d'un pote ou l'autre, que je voyais de moins en moins (... voire partis sur d'autres continents).

C'est Nolife qui m'a fait véritablement revenir à l'animation et découvrir toute la profondeur du marché du manga - au moins aussi vaste que celui de la BD francobelge, sur le sol français - de revenir sur des classiques que j'avais survolés. Qui a permis aussi, par son alimentation constante au gré des news, reportages et rubriques, d'entretenir la flamme malgré le début de ma vie professionnelle, et des périodes pas vraiment cool pour ne pas dire complètement déprimantes - en pesant mes mots.

Nolife également qui, par un mécanisme peut-être pas totalement distinct du lavage de cerveau, a fini de me faire adhérer à la J-Music au delà de quelques génériques. Il en faut beaucoup pour me faire sortir de mon antre et sans eux je ne serais probablement allé à aucun des concerts de J-Music auxquels j'ai assisté, dans des genres assez divers (sans exhaustivité : 2x °C-ute, 2x Scandal, 2x Uplift Spice, World Order, 2x JAM Project, Moumoon...).

Et Nolife également qui m'aura réconcilié avec (la :p ) Japan Expo, dont ma seule expérience au CNIT La Défense en 2003 n'avait pas été des plus agréables. Bon, certes, j'y passais 60% de mon temps sur leur stand ou dans le Live House (aujourd'hui "Scène Karasu" - la zone réservée à des mini concerts). Certains se rappelleront peut-être même d'un cosplay tiré de Mobile Suit Gundam Seed (uniforme de l'alliance) sur lequel, malgré un résultat discutable, je n'ai pas compté les heures. Ne cherchez pas de photos sur le net (ou si vous en trouvez, envoyez-moi le lien :D).

De la théorie à la pratique

Nolife m'aura fait bouger. Et pas uniquement pour aller en concert et convention.
La passion renouvelée pour le Japon se sera traduite notamment par une étude du Japonais - trop superficielle à mon goût et dont je regrette depuis de ne pas l'avoir commencée plus tôt, dès mes années d'études. Au delà de l'utilité - si je bafouille, cela permet malgré tout de s'ouvrir des portes et des lieux autrement difficiles d'accès - cette étude aura été une respiration intellectuelle dans une phase toxique niveau professionnel. Aurais-je sauté le pas sans eux ? Honnêtement je n'en suis pas sûr. Et elle m'aura permis des rencontres ou d'améliorer des échanges lors de divers dédicaces/handshake, ou avec de parfaits anonymes.

Nolife m'aura fait bouger bien plus loin puisqu'elle aura contribué à me motiver à (enfin) me rendre justement au Japon même. Par 3 fois, et j'espère bien plus à l'avenir, pour s'y promener de long en large, des quartiers "pop" comme Akihabara ou Namba à des lieux plus calmes et reculés comme Kagoshima, Takayama ou la magnifique île de Yakushima.

Ça n'a peut-être l'air de rien mais, sans tomber dans des considérations pathologiques, je suis extrêmement casanier. Sortir de ma routine y compris pour des vacances me demande une énergie particulière et toute aide ou motivation est bonne à prendre. Alors voilà, la passion transmise m'aura fait faire des choses, belles, voir des lieux, rencontrer des gens.

 IRL

Rencontres avec le staff

Nolife, c'était également un staff au poil. Chacun avec sa sensibilité, mais toujours ouverts à la discussion. Un jour, il y a bien longtemps, j'ai écrit sur le forum, suite à je ne sais quel évènement, quelque chose qui ressemblait à :

"Ah et sinon j'ai vu Alex. Mais bon, je n'ai pas osé le déranger."
Qui a entraîné la réponse immédiate :
"Quoi ? Mais la prochaine fois, faut venir me saluer."

Moi, petit membre du forum sans accomplissement particulier. Une réponse personnelle du directeur des programmes. Et cette réponse. 
Quelques semaines plus tard, à un évènement (Samurai Japon 2010) j'entends une voix familière alors que j'ai le regard fixé dans mon reflex. Ou plutôt deux voix. C'est un tournage de Tokyo Café (programme court présenté par Suzuka sur des sujets ayant trait au Japon) qui commence à 50 cm de mon épaule. J'attends patiemment la fin de la séquence, bien décidé à vaincre ma timidité en prenant au pied de la lettre l'invitation d'Alex. Caméra coupée, tête relevée : j'y vais, je tends la main et lui dis presque avec assurance "Euh... Salut, c'est moi Aptarus". Premier échange "personnel" et premier et dernier passage à l'antenne (hors arrière plan) puisque la conversation se terminera par "tiens, mets-toi là, ok, ça tourne !" ( lien tant que Noco existe ).

Voilà, c'était la simplicité d'Alex et Suzuka - quand leur planning leur en laissait le temps. Échanger des mots, avant/après une séquence, prendre les retours aussi, quand ils étaient construits, expliquer son point de vue. Et souvent, tout le temps, le sourire aux lèvres et un enthousiasme presque adolescent dans le regard et la voix.

Si c'est l'évènement le plus marquant, les rencontres avec Seb, Médoc, Thierry Falcoz (ex rédac' chef JV, pourtant timide en convention :D), et bien d'autres, sont toutes mémorables. Ils vous donnaient vraiment l'impression de parler d'égal à égal. Car être sympa dans la télévision, c'est bien, mais rester à ce point accessible, c'est encore autre chose. La seule limite étant souvent leur disponibilité, et le fait de ne pas les accaparer.

Avec la communauté

J'ai revendiqué haut et fort mon statut de ninja fantôme des IRLs, malgré mes milliers de messages sur le forum.
Ca n'est pas tant une fierté qu'une difficulté maladive à sociabiliser - qui commence par une atroce mémoire pour ce qui concerne l'association nom/visage, continue avec une difficulté à participer à des discussions de groupe pour finir sur un sentiment d'inadaptation dans la plupart des regroupements, soirées, boîtes, bars, et caetera.
Malgré cela, par le biais du forum, j'ai pour la première fois apprécié le sentiment de "faire partie d'une communauté". Oh, pas que cela ait été tout rose - en témoignent des prises de bec plus ou moins sérieuses avec plusieurs des modérateurs, et bien sûr de simples utilisateurs également, des divergences et - soyons honnêtes - de l'indifférence confinant au mépris pour certains membres. Mais cela reste fort peu en comparaison du positif à tirer de ces échanges très généralement bienveillants - et tant pis s'il faut apprendre de soi-même à éviter certains sujets.
Ermite je suis, ermite je reste, je n'ai participé à aucun des "resto" - il est possible que 2018 soit une exception -, ai fui les possibilités "d'after" au sortir de concerts, ce qui ne m'aura pas empêché de tisser des liens plus ou moins rapprochés et parfois temporairement très rapprochés (ndr: en tout bien tout honneur. Se rappeler du paragraphe "Love Live", svp) avec divers membres qui se reconnaîtront avec lesquels j'ai pu partager mes fameux cours de japonais (une modo O_o ), tenter de remonter le moral (et réciproquement), donner dans le "soutien scolaire" quitte à me remettre au Python, parler technique photo (une autre passion que je devrais cesser de laisser rouiller, d'ailleurs), ou simplement avoir des discussions et délires filés sur des sujets divers, parfois déliés des thématiques de la chaîne. Si je mélange les noms et les visages sachez que j'oublie peu - surtout pour le positif. Vous m'excuserez de ne pas me lancer dans une énumération de pseudonyme inutile et potentiellement blessante quand il s'agira de choisir où l'arrêter.
En dehors du cercle familial et de mon couple, la communauté des "Nolife" est certainement le groupe avec lequel j'ai eu pendant ces années la plus haute fréquence et, au global, le plus grand volume d'échange.

Et la rencontre de l'improbable

Je ne peux pas clôturer ce billet sans citer la rencontre avec Fujino Yuria, cosplayeuse-modèle-maid et étudiante en culture française à l'époque, découverte à travers un épisode de Toco Toco et avec laquelle j'avais échangé via Twitter en toute simplicité suite à son passage dans l'émission. De fil en aiguille, ces quelques tweets se sont transformés à l'approche de sa venue à Paris en des indications précises (sur, ahem, où trouver des goodies Barbapapa dans Paris - merci feu Album Saint-Germain) et pour se conclure en visite conjointe du Quartier Latin (glace Berthillon incluse) et du musée Marmottan - bien moins connu internationalement que le Musée d'Orsay mais tout aussi recommandable aux amateurs d’impressionnisme, dont elle fait partie.
Une journée dont je garde un souvenir des plus agréable et une personne avec laquelle je conserve quelques échanges même si des aléas (dont de santé) ne nous ont malheureusement pas permis jusqu'à présent de nous croiser à nouveau.
Vous pouvez la retrouver notamment sur Twitter - attention, certaines photos peuvent être NSFW / inadaptée à la consultation en présence de jeunes enfants ou personnes conservatrices.



(Almost) no regrets


Au final, ce que m'aura apporté Nolife, ça n'est donc pas tant un ou quelques évènements majeurs qu'une somme de petits éléments positifs et de contributions - à ma construction sociale, à mon moral, surtout dans les moments difficiles. Une routine réconfortante sans tomber dans le doudou régressif car apportant toujours de nouveaux sujets ou de nouveaux angles. La sensation, aussi, de ne pas être tant que ça un extraterrestre dans un monde où je me sens souvent étranger.

Au compte de mes regrets, si ce n'est de ne pas avoir trouvé de recette miracle (ou de numéros gagnants de l'Euromillions) leur permettant de poursuivre, j'aurai surtout celui de ne jamais pouvoir concrétiser un certain fantasme d'y participer directement, autrement que mon passage éclair à l'antenne d'un Tokyo Café et par mes abonnements. J'aurais, malgré certaines clauses de mon contrat de travail qui auraient pu poser problème, rêvé d'être le "N'importe qui" d'un 101% (ma contribution au sous-titrage des épisodes de France Five, bien que désintéressée et par pure passion pour cette oeuvre d'Alex, aura pu me laisser espérer un instant... mais je précise immédiatement n'en tenir aucune rigueur !), voire animer et/ou écrire (pour) une émission. Sachez que je n'ai donc trouvé aucune formule permettant de présenter de façon intelligente et ludique la sécurité des systèmes informatiques dans un format télévisuel - quand bien même j'aurais dû y sacrifier mes weekends - et que vous avez donc évité ma (lourde) prose.
Tant pis. La chance sourit aux audacieux et c'est une qualité qui me fait notoirement défaut. Il faudra vivre avec (ou plutôt sans).

Un dernier regret est d'avoir failli l'an dernier à mon habitude de souhaiter en fin de JE "à l'année prochaine" à Seb. Ironie de l'histoire qui aura voulu qu'effectivement, il n'y en aura pas - tout du moins en tant qu'exposant pro.

J'espère, malgré mon pessimisme naturel, que la communauté saura perdurer d'une certaine façon et que les liens ne s'étioleront pas (trop) (vite) malgré mes travers.
J'espère aussi que le staff dans son ensemble trouvera où rebondir et, surtout, où bien rebondir et, à titre plus égoïste, qu'eux ou d'autres inspirés par leur exemple pourront reprendre la voie tracée - c'est déjà partiellement le cas même si à ce jour il m'est difficile de m'imaginer me satisfaire de l'offre en place.
J'espère que nos chemins auront en tout cas la possibilité de se recroiser.

Nolife se rêvait l'avant-garde d'une génération de micro-chaînes qui n'est jamais arrivée et vraisemblablement n'arrivera jamais compte tenu des évolutions. Nolife nous aura surtout fait rêver, une parenthèse de 11 ans pour les plus assidus.

Alors messieurs - et dames - je vous adresse du fond du cœur, de mes tripes mais aussi de mon cerveau un gigantesque bravo.

See you, space cowboy.
You earned your rest.
今から頑張って続きましょう。

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire