lundi 2 avril 2018

No passion, No Life - Sayonara, See you again, Adios, byebye cha cha

Intro hors sujet

Plutôt que d'écrire ce mot sur un forum dont les heures sont malheureusement comptées, ou d'éclater mon message en une ribambelle de tweets, je ressors donc aujourd'hui du formol ce "blog" qui n'en est pas vraiment un, et me prends un cours instant pour un rédacteur/blogueur/chroniqueur
(Oui parce que si c'était un blog, j'aurais dû rédiger mon billet "tout ce qui ne va pas dans l'épisode VIII" pour faire suite à mon point de vue sur Le Réveil de la Force, en concluant tout de même sur pourquoi Les Derniers Jedi m'étaient éminemment plus sympathique, ou "Pourquoi Pacific Rim Uprising gagne haut la main l'Oscar du teaser le plus raté et celui des meilleurs clins d’œils geek")

Intro du sujet

Nolife, c'est fini. Ou plus précisément et si vous me lisez rapidement, ça le sera sous peu, la fin des programmes étant programmée au 08/04/2018 avec un dernier baroud d'honneur que l'on espère flamboyant à l'image du panache que l'équipe aura su insuffler à ces presque 11 ans d'aventures télévisuelles.

Et c'est quelque chose de triste pour toute une frange de la population, pire, une frange dans la frange des geeks et assimilés. Car Nolife n'aura jamais été une chaîne de masse - elle n'en avait ni la vocation ni les moyens. Mais pour ses fidèles, ou même certains qui en comprenaient l'esprit sans forcément adhérer pleinement aux thématiques, elle était un peu La chaîne. Leur chaîne. Et soyons honnête, Ma chaîne.

Ce billet parlera de ce qu'était Nolife - quelques éléments factuels même si je suppose que tout lecteur sera déjà familier du sujet, puis ma perception et mes mots sur ce que représente cette initiative. Un second sera nettement plus personnel, même si aucun des deux ne saurait être exhaustif.


Les deux buts premiers sont de mettre de l'ordre dans mes propres idées et d'exprimer à tout membre du staff qui passerait mes sentiments. Je ne prétends pas y produire un contenu inédit ou exceptionnel. J'espère malgré tout que vous y trouverez un minimum d'intérêt ou a minima que ça ne sera pas trop ennuyeux à lire. Au pire, CTRL+W sans vergogne ;-).

Rattrapage pour les néophytes et les non-français

Nolife, qu'est-ce ?

Nolife, c'est une chaîne de télévision française diffusée du premier juin 2007 au, donc, huit avril 2018 (avec potentiellement des boucles de rediffusion par la suite avant extinction du signal), exclusivement "sur les box internet". Autrement dit, pour la recevoir, le spectateur doit - ou bientôt devait, j'utiliserai dans la suite le passé par anticipation - passer par sa box ADSL ou fibre à condition que son opérateur reprenne le signal.
Pourquoi ? Car cela nécessite des coûts techniques ridicules au regard de ceux d'une diffusion hertzienne (analogique comme TNT / numérique), satellite ou même câble classique - où les canaux sont également comptés et donc la concurrence rude pour obtenir sa place. C'est ce mode de diffusion, sur lequel la France a été en pointe, combiné à des technologies aujourd'hui banales mais à l'époque révolutionnaires qui a permis aux fondateurs - Alex Pilot (directeur des programmes), Sébastien Ruchet (président et homme achetant les sacs poubelles) - d'oser imaginer passer d'une "simple" société de production (produisant pour des tiers) à une chaîne de télévision.
Car les deux hommes, après des années dans l'amateurisme au sens noble du terme, qui aura valu des pépites telles que... euh... "Bitoman"..., ont déjà une expérience certaine dans l'audiovisuel et plus particulièrement ce qui a rapport avec la (pop)culture Japonaise, le tout en collaboration notamment avec Suzuka Asaoka, compagne d'Alex à la ville et pile électrique à l'écran pendant des années, en charge des relations France-Japon.
Cette chaîne, dont le premier slogan aura été "Il n'y a pas que la vraie vie dans la vie" - avant un plus sobre "la chaîne des nouvelles cultures" - sera dans la continuité : jeux vidéo, animation, manga, évènements en rapport avec le Japon (voire au Japon, quand l'opportunité d'y tourner se présente), et une ouverture sur d'autres thèmes que sont le jeu de plateau, le jeu de rôle (papier), le cinéma et plus particulièrement le cinéma de genre.

Le contexte d'époque


En 2007, YouTube et Dailymotion existent "à peine". Les vidéos qui y sont postées ont de fortes contraintes de qualité et de durée. Twitch, LA plateforme de streaming par excellence, où depuis chez soi on peut (avec un peu de chance) streamer en 1080P modulo 2 lampes et 1 ou 2 caméras plus 1 micro, est au mieux un doux rêve, pour ne pas dire de la science fiction. En France, la référence est "Game One", souvent présentée / vue par les fans de Nolife comme une rivale, une concurrente, une version tombée du côté obscur de l'idée qu'est Nolife, avec un ton assurément plus grand public - et centrée sur le jeu vidéo plutôt que le Japon "pop" dans son ensemble.
Et sinon, ce sont les sites écrits, illustrés et avec des vidéos mais que l'on peut encore compter - eux-mêmes luttant souvent pour leur survie financière.

Dans ce contexte, Nolife est un évènement. Un évènement au niveau français, mais également au delà car elle n'a, à ma connaissance, pas d'équivalent au niveau européen si ça n'est mondial. Et certains nous l'envient.

 Le début de la fin ou la fin du début ?

Brûle mon cosmos télévisuel!


Après des difficultés notamment administrative avant même d'allumer les serveurs, Nolife va se lancer. Et très vite connaître des difficultés financières : financer une chaîne ne se fait pas tout à fait comme prévu. La publicité ne prend pas encore en compte les chaînes "full internet" (non comptabilisées par les sacro-saintes audiences Médiamétrie par lesquelles jurent les publicitaires). Nolife est sauvé une fois. Survit miraculeusement une autre. Dégraisse une, deux fois (avec des retours d'anciens de temps à autre). Mais au final, cette chaîne à laquelle on ne donnait pas 6 mois, maximum un an, aura tenu 10 ans et 10 mois. Soyons généreux, et accordons leur la date de lancement qui aurait dû être la leur sans des soucis de dernière minute indépendants de leur volonté : elle aura tenu 11 ans et une semaine. Autant dire une éternité.


Ces galères longues auront plusieurs effets :
  • Des comparaisons régulières, amicales, aux shonen et en particulier à ceux où, tels Seiya dans Les Chevaliers du Zodiaque (Saint Seiya pour les puristes), le héros ne cesse d'aller à terre pour se relever et surmonter l'épreuve, serait-ce à moitié mourant.
  • L'agacement de certains, y compris une partie du public, trouvant la communication trop larmoyante ou usante malgré la sobriété affichée par l'équipe qui, depuis les premiers appels à abonnement, rappelle tout de suite que "ça n'est qu'une chaîne de divertissement. Si Nolife s'arrête, il n'y a pas mort d'homme".
  • L'incompréhension de beaucoup devant ce qui peut apparaître comme de l'entêtement dans une voie sans issue. Et honnêtement, j'aurais probablement jeté l'éponge bien avant eux.
  • Le départ, et parfois le retour, de nombreux membres historiques au gré de la fluctuation des moyens.
En sachant que ça n'est que la partie émergée de l'iceberg, ne pouvant me prévaloir d'informations privilégiées.

L'histoire de la génèse et des 5 premières années de Nolife est racontée de manière bien plus détaillée et juste dans le livre de Florent Gorges, à l'instant où je rédige en réduction à 5€, Nolife Story. S'il parlera avant tout aux connaisseurs, je ne peux que le recommander à toute personne s'intéressant à des initiatives geeks, et prier pour un second volume couvrant la seconde moitié.

 L'Esprit Nolife

Les gens ayant grandi dans les années 80 ou, comme moi, 90, auront certainement entendu une expression : "L'Esprit Canal".
Cet esprit, c'était un mélange de cassage de codes, de provocation, de déconne tout en contrôle (ou presque), supposé propre à cette "petite" chaîne qu'était Canal Plus à son lancement.

Si Nolife aura bien plus souvent été comparée à "L'Arte des Geeks", il était parfois aussi fait état d'un "Esprit Nolife". Là aussi, un mélange de cassage de codes - des émissions à durée variable car dictées par le sujet et le contenu plus que le format -, d'un traitement sérieux et respectueux de sujets jugés banals voire ridicules par les standards des autres chaînes, un amour et une volonté de bien traiter ce dont on parle, un humour également moins cadré, et beaucoup d'autodérision - des fictions mettant en scène l'équipe (quitte à y passer pour des connards ou tortionnaires) à la revendication d'avoir des animateurs moches. Et une énorme louche de système D et d'optimisation pour produire quelque chose de qualité professionnelle avec bien moins de moyen que n'importe où ailleurs.

Dans l'impossibilité d'acheter des programmes classiques, Nolife diffuse des séries amateurs. On y compte Nerdz, Flander's Company, Geek's Life - par des membres du staff ou satellitaires - et celle qui deviendra la plus connue car détentrice d'un record de financement participatif, Noob. Pas par dépit, mais car une grosse partie de l'équipe vient de là.

Pour compenser  la musique japonaise (choix des fondateurs, et également car le conventionnement "chaîne musicale" avait ses avantages), diffuser des indies, clips indépendants, est aussi un choix. D'aller sur des terrains non défrichés et d'être généreux au delà parfois de la logique. Et tant pis si certaines productions diffusées sont parfois... discutables quandt au niveau atteint.

Nolife tisse aussi de nombreux liens, notamment au Japon. C'est comme cela que la chaîne se fournit en clips et récupère deux programmes profondément nippons, Kira Kira Japon, virgule loufoque malheureusement trop courte et portée disparue des interwebs, et Japan in Motion dont le ton à la limite du publireportage peut choquer en comparaison - et son dérivé plus posé et culturel qu'est Esprit Japon. Ou la diffusion de l'ovni qu'était "Kyo no wanko" (le petit chien du jour), monument télévisuel japonais pour les amateurs de canidés.

Un pinacle de cet esprit c'est aussi probablement le programme Space Hyper Ufo Media DJ, un programme jamais présenté car "secret", déclenché aléatoirement certaines nuits d'hivers et qui voyait un des quelques membres capables de gérer toute la chaîne de production, diffuser des clips demandés sur le forum et faire les annonces - simple en principe, beaucoup moins en pratique quand chaque plateau doit être tourné, composé, encodé, envoyé sur la régie, accompagné des clips et du fichier de playlist associé, le temps que la précédente plage ne passe. Qui d'autre produit une émission en y passant une nuit blanche ou presque et sans en faire la promotion une seule fois ? Une émission qui se passait autant à l'antenne que sur le forum, valant une classification quasi officiel des clips "anti faibles" (comprendre : ceux qui faisaient s'endormir quand diffusés passé 2h du matin), des règles telles que "boire et manger c'est tricher" et la petite fierté pour ceux qui une fois avaient atteint la fin de la playlist - au dépend d'un lendemain difficile :D.

Mais Nolife, ça n'était pas que de la générosité et de la sincérité. C'était aussi de la précision  autant que faire se peut dans les programmes "maison". L'à-peu-près n'était que rarement apprécié même s'il s'agissait de faire de la vulgarisation. Des collaborations avec des superplayers reconnus, avec l'association MO5 pour s'intéresser aux entrailles de consoles rétro (Very Hard)... ou de l'explication de mythes ou tableaux japonais (Mot de Saison). Le tout sans pédanterie ni élitisme mal placé (même si je reprocherais à Skills, l'émission E-sport, l'utilisation d'un jargonage à tendance anglophone pas toujours nécessaire).

Le tout sans une recherche de l'audimat. La première question posée semblait être "Est-ce que le sujet, traité de cette façon, vaut le coup d'être abordé ?" et non pas "Y a-t-il un public pour ce format ?".

Cet esprit qui leur aura aussi probablement causé du tort, au sens de la rentabilité et des partenariats, car inconcevable de lâcher le contrôle à un tiers, de se "vendre". Plutôt rester fidèle à l'idée d'origine et puis, quand on commence quelque chose, il faut aller jusqu'au bout*.

L'Esprit Nolife, c'était aussi d'oser faire l'annonce de la "mort" de la chaîne un premier avril. La vraie, pas la fausse - qui avait eu lieu il y a des années et n'était pas si fausse que ça puisqu'elle marquait un sauvetage en dernière minute.

* citation favorite d'Aramis Léclair, le Silver Mousquetaire, dans le sentai amateur France Five co-créé par Alex, interprété par l'actuel directeur de Kurokawa excusez du peu.

La proximité, la "famille" Nolife

Une autre description récurrente faite par les fans, y compris des anonymes ne se signalant qu'à l'occasion d'un évènement marquant, est que regarder Nolife, "c'est comme faire partie d'une famille" ou d'une bande de potes.

La simplicité de la présentation de beaucoup de plateaux (animateurs "moches" en T-shirt sur fond quasi blanc puis des plateaux épurés ou en carton) y jouait certainement, mais le ton n'y était pas étranger. Chez Marcus (par Marc Lacombe, alias Marcus, vétéran de la presse JV française et parrain officiel de la chaîne) avait bien pour principe de présenter un jeu comme si l'on débarquait chez un pote.

La disponibilité et l'ouverture à la communication de nombreux membres du staff - sur le forum de la chaîne tout d'abord, sur les réseaux sociaux ensuite, et en face à face lors de tout évènement - renforçait cet aspect. Quand le président de votre chaîne préféré vous reconnaît, vous serre la main alors qu'il est lui-même venu vers vous, et ne se trompe pas sur votre pseudo, difficile de ne pas se sentir proche si ce n'est privilégié.

Je ne suis pas, je dois dire, très favorable à cette expression de famille. J'ai un énorme respect et tout autant d'appréciation, pour de très nombreuses personnes ayant travaillé à Nolife. J'ai de l'admiration même pour les piliers, Alex, Seb et Suzuka les premiers. Malgré tout je considère ces expressions galvaudées - des amis, des parents, cela induit des échanges que nous n'avons pas, sur des sujets différents, une intimité. Je n'oserai pas (...malgré ce qu'indique mon compte Facebook vis-à-vis de certains) me présenter comme leur ami.

La véritable famille est pour moi l'équipe - avec ses membres plus éloignés, ceux qui ont pu prendre leurs distances voire se fâcher. Et les proches, les partenaires d'une fois ou de longue date voire les concurrents. Les liens tissés se constatent par les nombreux messages de soutien ou de tristesse depuis l'annonce d'hier.

La chaîne aura toujours eu une image d'humanité et d'accessibilité qui, pour peu que l'on souscrive un peu à leur approche, incite d'autant plus à la compassion (au sens premier) dans ces derniers évènements. Et, malgré mes propos mes propos ci-avant, je me sens comme beaucoup affecté à un niveau personnel et émotionnel au delà de la simple fin d'une marque ou d'un moyen. Une histoire de trajectoire probablement, que j'aborderai dans un second billet.

Merci, et puis merci*


* à prononcer avec la voix de Sky High de Tiger & Bunny. Si vous n'avez pas vu T&B, allez voir T&B.

Au delà des galères, les moments de bravoure auront été nombreux - si l'ordinaire de cette chaîne extraordinaire ne pouvait pas être considéré lui-même en tant que tel.
Oser sauter le pas du direct alors que la situation, moins précaire, n'était pas non plus pleinement assurée.
Tenter un jeu interactif avant "Tout le monde joue" sur France Télé.
Réaliser un anniversaire mélangeant jeu façon Cluedo, fiction et improvisation.
Des premiers avril mémorables, jusqu'au dernier malheureusement.
L'éternelle disponibilité et les discussions qui allaient au delà du "merci de nous soutenir".
La mémorable soirée en public du 5ème anniversaire - il aurait été bête de ne pas la faire, surtout rétrospectivement. Et bête de ma part de ne pas y participer dans le public quand bien même je me serai réveillé à Osaka (un peu loin d'Issy-Les-Moulineaux, vous en conviendrez).
Et bien d'autres qui m'échappent sur l'instant.

Pour toute cette passion mise en forme et partagée, et tous ces échanges suscités entre membres du public, pour votre bonne humeur affichée alors que les choses ne devaient pas toujours (voire pas souvent) être simples, votre dévouement à ce rêve geek (qui pour quelqu'un au naturel aussi frileux que moi peut sembler confiner à l'inconscience), parce qu'on est heureux de l'avoir vécu en direct et pas par des témoignages et des émissions de rétrospective,

心からどうもありがとうございました.

最高でした。

頑張って続きます。

また会いましょう!

(ça a l'air plus classe en japonais mais : Merci beaucoup du fond du coeur. C'était super. Maintenant, on va continuer à s'accrocher. A la prochaine)

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